LES ENFANTS QUI S' AIMENT
Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s'aiment
Ne sont là pour personne
Et c'est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour
POUR PEINDRE UN OISEAU
Peindre d’abord une cage
Avec une porte ouverte
Peindre ensuite
Quelque chose de joli
Quelque chose de simple
Quelque chose de beau
Quelque chose d’utile
Pour l’oiseau
Placer ensuite la toile contre un arbre
Dans un jardin
Dans un bois
Ou dans une forêt
Se cacher derrière l’arbre
Sans rien dire
Sans bouger…
Parfois l’oiseau arrive vite
Mais il pourrait aussi mettre de longues années
Avant de se décider
Ne pas se décourager
Attendre
Attendre s’il le faut pendant des années
La vitesse ou la lenteur de l’arrivée de l’oiseau
N’ayant aucun rapport
Avec la réussite du tableau
Quand l’oiseau arrive
S’il arrive
Observer le plus profond silence
Attendre que l’oiseau entre dans la cage
Et quand il est entré
Fermer doucement la porte avec un pinceau
Puis effacer un à un tous les barreaux
En ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l’oiseau
Faire ensuite le portrait de l’arbre
En choisissant la plus belle de ses branches
Pour l’oiseau
Peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent
La poussière du soleil
Et les bruits des bêtes de l’herbe dans la chaleur de l’été
Et puis attendre que l’oiseau se décide à chanter
Si l’oiseau ne chante pas
C’est mauvais signe
Signe que le tableau est mauvais
Mais s’il chante c’est bon signe
Signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
Une des plumes de l’oiseau
Et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.
FLEURS ET COURONNE
Homme
Tu as regardé la plus triste
la plus morne de toutes les fleurs de la terre
Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom
Tu l'as appelée Pensée.
Pensée
C'était comme on dit bien observé
Bien pensé
Et ces sales fleurs qui ne vivent ni ne se fanent jamais
Tu les as appelées immortelles...
C'était bien fait pour elles...
Mais le lilas tu l'as appelé lilas
Lilas c'était tout à fait ça
Lilas... Lilas...
Aux marguerites tu as donné un nom de femme
Ou bien aux femmes tu as donné un nom de fleur
C'est pareil.
L'essentiel c'était que ce soit joli
Que ça fasse plaisir...
Enfin tu as donné les noms simples
à toutes les fleurs simples
Et la plus grande la plus belle
Celle qui pousse toute droite sur le fumier de la misère
Celle qui se dresse à côté des vieux ressorts rouillés
A côté des vieux chiens mouillés
A côte des vieux matelas éventrés
A côté des baraques de planches où vivent les sous-alimentés
Cette fleur tellement vivante
Toute jaune toute brillante
Celle que les savants appellent Hélianthe
Toi tu l'as appelée soleil
...Soleil...
Hélas! hélas! hélas et beaucoup de fois hélas!
Qui regarde le soleil hein ?
Qui regarde le soleil ?
Personne ne regarde plus le soleil
Les hommes sont devenus ce qu'ils sont devenus
Des hommes intelligents...
Une fleur cancéreuse tubéreuse et méticuleuse à leur boutonnière
Ils se promènent en regardant par terre
Et ils pensent au ciel
Ils pensent... Ils pensent... ils n'arrêtent pas de penser...
Ils ne peuvent plus aimer les véritables fleurs vivantes
Ils aiment les fleurs fanées les fleurs séchées
Les immortelles et les pensées
Et ils marchent dans la boue des souvenirs dans la boue des regrets
Ils se traînent
A grand-peine
Dans les marécages du passé
Et ils traînent... ils traînent leurs chaînes
Et ils traînent les pieds au pas cadencé...
Ils avancent à grand-peine
Enlisés dans leurs champs-élysées
Et ils chantent à tue-tête la chanson mortuaire
Oui ils chantent
A tue-tête
Mais tout ce qui est mort dans leur tête
Pour rien au monde ils ne voudraient l'enlever
Parce que
Dans leur tête
Pousse la fleur sacrée
La sale maigre petite fleur
La fleur malade
La fleur aigr e
La fleur toujours fanée
La fleur personnelle...
...La pensée...
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biobibliografia
Jacques Prévert est né le 4 février 1900, à Neuilly-sur-Seine.
Il est un enfant heureux et gai qui rit en toutes circonstances. Il ne manque aucune fête, aucun cirque et déjà, se passionne pour le monde du théâtre. Son père qui connaissait des acteurs, l’emmenait en coulisses avant que les spectacles ne commencent.
Jacques ne veut rien savoir de tout ce qui s’appelle PRISON, il n’aime guère les prêtres et serviteurs d’ Église, car cela représente, à ses yeux, le pouvoir autoritaire, la passéisme le plus absolu et le conformisme le plus borné. La violence de l’anticléricalisme prévertien sera souvent rejetée avec dégoût et escamotée au profit de son intérêt pour les enfants, les fleurs ou les petits oiseaux. Sa mère commence, dès son jeune âge, à lui lire des contes de fées, elle l’initie au monde la fiction et du rêve. C’est elle qui lui apprend à lire. Ses préférences : David Copperfield, La Dame de Montsoreau, Les Trois Mousquetaires...
Le 1er février 1907, Jacques Prévert arrive à Paris, débute l’école et ce, en retard ! Il déteste rester des heures sans bouger, à écouter un maître ennuyeux qui le gronde lorsqu’il regarde les oiseaux ou les fleurs à l’extérieur. Ce dégoût se transposera dans ses écrits Page d’écriture et Le Cancre (Paroles).
Il accompagne souvent son père chez les pauvres et il se met à les aimer, à comprendre leurs joies et leurs peines, à découvrir les trésors de générosité, de délicatesse et de poésie qui se cachent au fond du cœur des plus démunis de la société. Il constate que le monde n’est pas toujours bon ; mais heureusement il y a le rêve, la lecture et le cinéma...
Son petit frère, Pierre, deviendra metteur en scène et Jacques écrira les scénarios et les dialogues d’un grand nombre de films.
C’est l’époque du cinéma muet 1908). Le soir, il va souvent au théâtre, sans payer (son père est critique dramatique) et il dévore plusieurs livres. L’école est insupportable pour lui et son frère Jean, donc ils changent d’école (une grande cour exposée au soleil et de beaux arbres).
1909 - Il commence de plus en plus à faire l’école buissonnière et il s’instruit dans la rue. Le regard de Jacques se teint de tristesse et ne le quittera jamais tout à fait, à la vision désolante du monde qui l’entoure.
1910 - Il déménage à nouveau et se fait de nouveaux amis dont Gavroche. Ils font les cents coups et se retrouvent même au commissariat de police. Ces errances ne l’empêchent pas de décrocher son certificat d’études , qui ne lui procure aucune satisfaction particulière. Sa joyeuse insouciance de ses premières années se brisa définitivement vers 10-11 ans, l’indifférence est devenue une forme de sagesse.
1914 - Il abandonne définitivement l’école et essaie de gagner sa vie. Parallèlement, la guerre s’est déclarée et dans toute son atrocité, elle lui fait horreur.
1915 : Son frère Jean meurt, alors âgé de 17 ans, de la fièvre typhoïde.
1920 - Il est forcé de s’engager dans la marine (son attitude n’est pas exemplaire et il fréquente souvent les prisons).
1922 - Le service militaire s’achève enfin. Le goût pour la littérature ne fait que s’amplifier (il fréquente les librairies et rencontre des auteurs )
1924 - Il découvre avec intérêt La Révolution Surréaliste.
1925 - Il rencontre des surréalistes : le non-conformisme absolu, l’irrévérence totale et aussi la belle humeur y régnaient. ( Rue du Château ou au Café Cyrano ) Ils commencèrent ( surréalistes ) à jouer au cadavre exquis, source naturelle d’inspiration. Cependant, il ne publia rien dans La Révolution Surréaliste.
1928 - Il rédige avec son frère Pierre le scénario d’un reportage sur Paris : Souvenirs de Paris ou Paris - Express . Il fonde alors, la société de production Roebuck films. Hélas, le film n’est pas un succès. Après avoir écrit une critique à l’endroit de Breton, Mort d’un Monsieur, il se sépare d’avec le mouvement surréaliste. Il considère cependant, que ce mouvement a joué un rôle déterminant dans toute la littérature qui a suivi.
1931 - Naissance de Prévert en tant qu’écrivain ( ne ressemble à aucun autre auteur ).
1932 - Une troupe est fondée, et on lui demande d’écrire des textes pour eux. ( Cette troupe deviendra plus tard, le groupe (Octobre). Sa femme, Simone, le quitte.
1933 - Joseph Kosma chante les poèmes de Prévert les plus connus :La Pêche à la baleine, Barbara, Les Feuilles Mortes.
Prévert écrit beaucoup de pièces de théâtre où il y joue et fait jouer ses amis de la troupe Octobre, maintenant fusionnée avec une autre troupe. Il se moque des bourgeois, des curés, de militaires... ce qui provoquait des scandales.
1937 - Sa compétence est de plus en plus reconnue par les professionnels du cinéma. En plus des nombreux films, dont il écrit les scénarios et dialogues, il produit de nombreux textes pour le compte de revues. Il revoit Janine, qu’il avait rencontrée en 1933 et ne se quittent plus. (Premier collage)
1945 - Il publie des livres pour enfants, son premier : Contes pour enfants pas sages.
1946 - Publication de Paroles ayant pour résultat un énorme succès.
1948 - Un dessin animé Le Petit Soldat est suivi de La Bergère et le Ramoneur . Ce court métrage remporta le Grand Prix International du dessin animé à la Biennale de Venise.
1955 - La Pluie et le Beau Temps est son nouveau recueil. Ici on peut y découvrir un Prévert conteur, poète, dramaturge, pamphlétaire, lyrique, réaliste et surréaliste.
1955-56 - il travaille à l’adaptation du roman de Victor Hugo, Notre - Dame- de - Paris .
1962 - Avec André Villers et son ami Picasso, il publie deux livres de photos, peintures et collages. Pablo Picasso a d’ailleurs fait un portrait de Jacques.
1963 - Il publie Histoires et D’autres Histoires : une sorte de continuité du livre Histoires de 1946.
1966 - Il publie Fatras.
1969 - Un journaliste s’entretient avec Prévert et publie, trois ans plus tard, le résultat de leur rencontre dans un livre nommé Hebdromadaires.
1973 - Il publie Eaux-fortes.
Il fut le scénaristes de plusieurs films célèbres:
Drôles de drames
Les visiteurs du soir
Les enfants du paradis de Carné
Remorque
Lumière d’été
Le 11 avril 1977, Jacques Prévert s’éteint à Omonville - la - Petite, (Manche).
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BIBLIOGRAPHIE
- PAROLES [1949] . Collection Le Point du Jour, Gallimard -poes.
- DES BÊTES... [1950]. Hors série, Gallimard -art
- SPECTACLE [1951]. Collection Le Point du Jour, Gallimard -poes.
- LETTRE DES ÎLES BALADAR [1952]. Hors série, Gallimard -nouv.
- LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS [1955] . Collection Le Point du Jour, Gallimard poes.
- HISTOIRES [1963]. Collection Le Point du Jour, Gallimard -poes.
- FATRAS [1966]. Collection Le Point du Jour, Gallimard -poes.
- CHOSES ET AUTRES [1972]. Collection Le Point du Jour, Gallimard -poes.
- ARBRES [1976], Collection blanche, Gallimard -poes.
- GRAND BAL DU PRINTEMPS suivi de CHARMES DE LONDRES [1976] Collection blanche, Gallimard -poes.
- SOLEIL DE NUIT [1980] .Collection blanche, Gallimard -poes.
- COLLAGES [1982]. Textes d'André Pozner , préface de Philippe Soupault. Albums Beaux Livres, Gallimard -art.
- LA CINQUIÈME SAISON [1984] . Édition d'Arnaud et Danièle - - - - Laster. Collection blanche, Gallimard -poes.
- LA FLEUR DE L'ÂGE - DRÔLE DE DRAME [1988]. Hors série, Gallimard- scen.
- JENNY - LE QUAI DES BRUMES [1988] , Hors série, Gallimard -scen.
- LE CRIME DE MONSIEUR LANGE - LES PORTES DE LA NUIT [1990]. Hors série, Gallimard -scen.
- ATTENTION AU FAKIR ! suivi de TEXTES POUR LA SCÈNE ET - - - - -L'ÉCRAN [1995] . Édition d'André Heinrich. Collection Les Cahiers de la NRF, Gallimard -scen.
- CORTÈGE [1998] . Un livre conçu et réalisé par Massin. Hors série, Gallimard ( in La Poesie que j'aime )
2 comentários:
Também um dos meus poetas preferidos.
Obrigada ,Maria Paz
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